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Et si un jour je meurs

Esquisse(s). Souffle n°12, 2017, pages 63-71

Claire,

Toujours apprêtée, Claire soigne sa mise accordant son maquillage et ses bijoux aux couleurs de ses tenues ce qui l’occupe une partie de la matinée. Lèvres et ongles sont toujours peints ; le moindre éclat de vernis appelant une retouche. Nos séances de travail ont lieu en fin de matinée quand elle s’estime « visible ». Lorsque l’on frappe à la porte, avant même d’inviter son visiteur à entrer, elle prend son miroir de poche pour une rapide vérification, ou me regarde l’air interrogateur. Entre nous, c’est devenu un jeu.Lors de notre deuxième séance, elle me dit son impatience à reprendre là où nous nous sommes arrêtées. Elle m’écoute poliment mais d’une oreille distraite, l’œil rivé sur son miroir. Le raffinement de Claire n’a d’égal que son élocution. À peine ai-je fini ma lecture, elle me dit tout de go : « C’est bien simple, mon fils est un con ». Je note ses propos sans réagir. […]

 

Lors de la séance suivante, tandis que je m’installe, nous prenons des nouvelles l’une de l’autre. Puis d’un commun accord, je commence la lecture en reprenant le texte depuis le début. À l’audition de ses propres mots « C’est bien simple, mon fils est un con », elle m’interrompt pour prendre le temps de réfléchir. C’est alors qu’elle propose une périphrase qu’elle semble considérer comme moins crue. Il en sera de même les six séances suivantes : à chacune des lectures de ce passage, elle suggérera une nouvelle formulation. Six relectures, sept reformulations. Lorsqu’elle décidera de mettre un point final à son récit, c’est sans m’interrompre qu’elle m’écoutera lire : « Avec mon fils cela n’a pas toujours été facile ». 

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